La Croix de Souvray


La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
Située à l'intersection de la route d'Orléans D152 et de la route Ronde D301.
 
Elle fut édifiée vers 1630 par Jean II de Souvré, marquis de Courtenvaux, seigneur de La Roche-Martel, né en 1584 et mort à Paris le 9 novembre 1656. La Croix de Souvray était en grès et les armes de la famille de Souvré y étaient sculptées. Jean de Souvré fut Premier gentilhomme de la chambre du roi Louis XIII, Gouverneur de Touraine, Gouverneur du château de Fontainebleau, Capitaine des chasses de la forêt de Biere, Châtellet, Montreau Faut-Yonne & autres ressorts, Maître des Eaux et Forêt du baillage de Melun. Il est fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit en 1619. En 1629, il succéda au marquis de Vitry (Croix de Vitry) en tant que maître particulier de la forêt de Bière, il démissionna de cette charge en 1645. Il fut remplacé par le cardinal Mazarin qui garda la charge jusqu'en 1649. Le célèbre ministre avait le désir de se créer d'immenses ressources en cumulant le plus grand nombre de charges grassement rétribuées et peu difficiles à remplir, comme celle de gouverneur du château et maître de sa forêt.  

La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
Jean II de Souvré, portrait tiré des Volumes consacrés à l'histoire de l'Ordre du Saint-Esprit.

La famille de Souvré était originaire du Perche. Jean II de Souvré était le fils de Gilles de Souvré et le petit-fils de Jean de Souvré d'où son nom : Jean II. Son père, né vers 1540, était un militaire proche du duc Henri d'Anjou qu’il accompagna en Pologne en 1573. À son retour, ce prince devenu le roi Henri III, le fit Grand-Maître de sa garde-robe et gouverneur du château de Vincennes. 
 

La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau   
Portrait de Gilles de Souvré père de Jean II de Souvré
par Henri Jean Saint-Ange Chasselat, 1834.
 

Après la mort d'Henri III, assassiné en 1589, Gilles de Souvré fut un des premiers à reconnaître Henri IV qu'il servira fidèlement. Pour sa loyauté, le roi le nomma gouverneur du Dauphin, futur Louis XIII. En 1582, il se maria à Françoise de Bailleul, ils eurent quatre fils, dont Jean II était l'aîné, et trois filles. Henri IV portait une grande amitié à Gilles de Souvré qu’il appelait familièrement « La Gode » ou la fille de joie. Il reçut le bâton de maréchal de France en 1614, à l’âge de 76 ans. Il décéda en 1624, à l'âge de 84 ans, et fut inhumé en la chapelle du château de Courtanvaux.


Château de Courtanvaux
Le château de Courtanvaux, lithographie par Olivier de Wismes, 1857.

Jean II de Souvré épousa Catherine de Neufsville en 1610, elle lui donna trois fils et deux filles. Ses trois fils, Nicolas, Louis et Charles, moururent avant leur père et sans descendance mâle. Louis combattit pour le roi Louis XIII contre les Espagnols, il trouva la mort près d'Arras, en juin 1640. Ses deux filles, Éléonore et Madeleine, furent abesses de l'abbaye de Saint-Amand à Rouen. C’est une des petites-filles de Jean II de Souvré, Anne de Souvré, fille de Charles, qui héritera du marquisat de Courtanvaux. Anne épousa en 1662, à l’âge de 15 ans, le marquis de Louvois qui fut ministre de la guerre de Louis XIV. Jacques de Souvré, frère de Jean II, Grand prieur de France, commandeur de Saint-Jean-de-Latran, était connu pour être un fin gourmet. La cuisine servie à sa table était reconnue comme de grande qualitée, il avait comme chef d'office, le cuisinier Pierre Ourie. L'écrivain Nicolas Boileau mentionne Jacque de Souvré comme amateur de bon vin dans une de ses satires intititulée : Description d'un repas ridicule, (Satire III 1665).
 
 
Portrait de Jacques de Souvré par Jean Lenfant, 1667.
 

Madeleine de Scudéry, dans son roman Artamène ou le Grand Cyrus, se serait inspirée de Jean de Souvré pour camper le personnage de Philoxipe. La « belle Maison de Clarie » pleines de peintures et de statues, entourée de bois et de rochers, où se déroulent les amours de Philoxipe et de la princesse Policrite, déguisée en bergère, serait une représentation du château de Fontainebleau. Originellement publié entre 1649 et 1653, Artamène ou le Grand Cyrus est connu pour être le plus long roman français jamais écrit, 13095 pages dans l’édition originale publiée en dix volumes. C'est un roman à clef, chaque personnage fictif représentant une personnalité réelle, contemporaine de l'écrivaine.

La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
La Croix de Souvray.

La Croix de Souvray est située sur la route d’Orléans, c’est par cette route que Charles Quint arriva à Fontainebleau le 24 décembre 1539. Pour l’accueillir dans sa forêt, François Ier avait organisé une petite réception sylvestre. Danseurs et danseuses, costumés en dieux et déesses de l’Olympe, présentèrent leurs hommages à l’empereur en exécutant pour lui quelques jolies pas de danse. De grandes chasses marquèrent la venue de l'empereur à Fontainebleau. La vénerie était alors d'un grand luxe. Elle comprenait, outre le grand veneur, douze veneurs à cheval, six valets de limiers, cinquante chiens courants, un capitaine, un lieutenant, cent archers et cinquante chariots. La fauconnerie comptait cinquante gentilshommes et cinquante aides-fauconniers placés sous les ordres du grand fauconnier et disposant de trois cent oiseaux. Les chasses eurent lieu jusqu'au 30 décembre 1539. Plus tard, en 1608, Charles II de Cossé, duc de Brissac, maréchal de France, vint sur cette même route saluer l’ambassadeur d’Espagne Don Pedro qui venait se présenter à Henri IV. Si la reception fut moins mythologique que la précédente, elle n’en fut pas moins entourée d’une grande pompe.

La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
La paix de Nice entre François Ier et Charles Quint en 1538, par Frederico Zuccaro.

Non loin du carrefour de la Croix de Souvray, se trouve le Carrefour des Pieds-Pourris. On raconte qu’un jour de chasse, le roi Louis XV qui traversait ce carrefour, vit rassemblés tout une bande de Limousins, qui pour mieux se reposer, avaient ôté leurs souliers et livraient aux douceurs du vent leurs pieds dénudés, qui n’étaient pas vraiment parfumés. Se retournant vers la marquise de Pompadour qui l’accompagnait, le roi s’exclama : « mais c’est le carrefour des pieds pourris ! ». Plus vraisemblabement, l'origine de l'expression « pieds-pourris » serait le nom donné aux flotteurs, les « convoyeurs de boys flotté à brusler  » qui déchargaient au port de Valvins, leur bois en provenance du Morvan. 


La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
Carrefour des Pieds Pourris.
 
Au XVIIIe siècle, le curé de la Chapelle-la-Reine raconte dans ses chroniques : « Le roy qui désire ardemment de faciliter le commerce dans son royaume en faisant paver les grands chemins, a ordonné de faire paver le chemin qui va de Fontainebleau à Malesherbes, pour donner à M. de Blancmesny, chancelier de France, plus de facilités d’aller de Fontainebleau à son château de Malesherbes. On a commencé le 20e jour d’avril 1751, par aplanir la montagne qui est proche de la croix de Souvray. » 

La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
La Croix de Souvray.

Au début de l'année 1814, les frontières du pays étaient envahies, Napoléon, ne voulant pas laisser aux alliés l'avantage de rendre la liberté au pape Pie VII qu'il retenait prisonnier au château depuis juin 1812, donna l'ordre de conduire le pontife dans le midi de la France et, de là, à Rome. En conséquence, le 23 janvier 1814, à dix heures de matin, après avoir, du haut de l'escalier en fer à cheval donné sa bénédiction urbi et orbi au peuple rassemblé dans la vaste cour, le pape prit place dans une berline qui le mena sur la route d'Orléans. Il traversa la forêt de Fontainebleau pour la dernière fois et se signa au passage de la Croix de Souvray. Napoléon avait rencontré le pape Pie VII pour la première fois à la Croix de Saint-Hérem, le 25 novembre 1804.

Le pape Pie VII par Jacques-Louis David, 1805.de Souvray

Après le carrefour de la Croix de Souvray, vers l'ouest en direction d’Ury, se trouve le Carrefour Poli, dédiè au garde forestier Laurent Poli. Ce jeune résistant âgé de 20 ans cachait en forêt un groupe de maquisard, constitué de jeunes gens issus du Groupe Surréaliste. Poli et ses camarades furent fusillés par les Nazis, le 22 juillet 1944, dans la plaine de Chanfroy.

Monument hommage à Laurent Poli, forêt de Fontainebelau
Monument hommage à Laurent Poli.
 

La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau
La croix de Souvray fut réédifiée à quatre reprises, en 1828, 1913, 1930 et 1964.
 
La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau

Chêne Président, Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau 
Le Chêne Président, parcelle 170. 
 
Juste derrière la Croix de Souvray, se trouve un des chênes les plus remarquabels de la forêt de Fontainebleau, le chêne Président. Cet arbre a été nommé ainsi souvenir de René-Pierre Robin (1928-2000), Président de l'Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau de 1991 à 1999. Une cérémonie eu lieu le 17 juin 2000, au pied de cet arbre, pour rendre hommage à M. Robin. À cette occasion, M. Jean Saint-Loubert-Bie déclara : « Dans le Jura, une coutume veut que l'on désigne dans chaque massif résineux, un "sapin Président", le plus bel arbre de la forêt. Adaptant cette coutume à Fontainebleau, nous avons choisi d'appeler ce chêne dédié au président Robin, le chêne Président. » En 1998, il publia avec Yvonne Jestaz un ouvrage intitulé « Fontaineblau, son château et sa forêt ».
 
La Croix de Souvray, forêt de Fontainebleau

Coordonnées géographiques de la Croix de Souvray : 48°22'22.7"N 2°38'35.7"E