La croix d'Augas

 
La Croix d'Augas, Fontainebleau
La Croix d'Augas est située à l'intersection de la route 
de Fontainebleau à Fontaine-le-Port D116 et de la route de Melun D606.

La Croix d’Augas est mentionnée sur la carte dressée par Hugues Picart en 1624, elle portait alors le nom de Croix Dogast. Elle aurait été érigée par Jehan d’Ogas, ou Jean d'Auga, écuyer, sieur du dit lieu, gentilhomme de la Maison du Roi, capitaine et gouverneur de Fontainebleau dès 1554, Grand-Forestier de la forêt de Bière, maître des Eaux & Forêts du bailliage de Melun jusqu'en 1583. Jean d'Auga avait sous ses ordres dix gardes forestiers payés chacun vingt écus par an. On ignore la date de son décès, mais il meurt avant sa femme Antoinette Piédefer, qui rend l'âme en 1593 et dont le grand-père, Jacques Piédefer, était prévôt des marchands de Paris. Leur fille, Marguerite d'Augas, hérita de la capitainerie de Fontainebleau. 

La Croix d'Augas, Fontainebleau
La Croix d'Augas au début du XXe siècle.

Jean d'Auga fut le parrain de Marie Ruggieri, baptisée le 10 juin 1574, fille de Ruggiero Ruggieri, né à Bologne, artiste au château de Fontainebleau qui avait collaboré avec le Primatice. Ruggieri avait succédé au Primatice (mort en 1570) comme garde et gouverneur du grand jardin, puis en 1577, il fut surintendant des peintures à la suite de Camillo L'abbate, il est mort à Fontainebleau vers 1597. La famille d'Augas est originaire du Béarn où il existe toujours une localité de ce nom, dans le département des Pyrénées-Atlantique.

La Croix d'Augas, Fontainebleau
La Croix d'Augas au début du XXe siècle.
 
Durant les vingt années de sa charge, sous les règnes d'Henri II, de Charles IX et d’Henri III, Jean d'Auga vécut des temps de tourmente. La guerre civile entre la Ligue catholique et les protestants battait son plein. Le 24 août 1572, c’est le massacre de la Saint-Barthélemy, le 25 août, la tuerie atteint Orléans où elle fait un millier de victimes. Des meurtres de protestants eurent aussi lieu dans la région de Melun et Fontainebleau. Les huguenots avaient l’habitude de se réunir à Chartrettes, en un lieu nommé « le Prêche ». À la suite de l'Édit de Nantes et de la conférence tenue le 4 mai 1600 à Fontainebleau, il fut autorisé l'installation d'un temple de la religion réformée dans la région. Melun et Fontainebleau ne pouvant, aux termes de l'édit, posséder dans leurs enceintes un temple protestant, on choisit à égale distance de ces deux villes un lieu où put s'installer ce lieu de culte, ce fut Bois-le-Roi. Le temple perdura jusqu'en 1682, il fut alors démoli, « jusqu'aux fondements ». Peu après, avec l'édit de Fontainebleau, signé par louis XIV, le 18 octobre 1685, le culte de la « religion prétendue réformée » fut interdit en France.

La Croix d'Augas, Fontainebleau
La Croix d'Augas au début du XXe siècle.
 
La route, qui conduit de Fontainebleau au carrefour où se situe la Croix d’Augas, fut une des premières à être pavée, vers 1640, car sa pente assez raide était dangereuse. À la fin du XVIIe siècle, lors d'un mois de novembre pluvieux, le chevalier Dauberon traverse le carrefour de la Croix d'Augas et descend rapidement vers Fontainebleau. La route est glissante, le chevalier chute de sa monture, un pied reste coincé dans un étrier, le cheval affolé s'emballe traînant l'infortuné cavalier sur les pavés de la route. Le chevalier en danger de mort prie la sainte Vierge de le secourir. Soudain, son cheval s'arrête et le sieur Dauberon a la vie sauve. Croyant à un miracle, il remercie Marie en plaçant un petit oratoire sur un chêne situé là où son cheval s'est arrêté. Quelques années plus tard, en 1690, les habitants de Fontainebleau élèvent une chapelle sur le lieu du miracle qu'ils nomment Notre-Dame du Bon Secours. 

Chapelle Notre-Dame du Bon Secours, Fontainebleau
La chute du chevalier Dauberon.

La chapelle Notre-Dame du Bon Secours fut détruite sous la Révolution. En 1821, une nouvelle chapelle est construite par les soins du curé de la ville, M. Philipeau, sur les plans de l'architecte du Palais M. Heurtaut. Auguste Luchet raconte avoir vu, un 20 avril, pour l'anniversaire des adieux de Napoléon en 1814, de vieux soldats, à genoux, priant la sainte Vierge : « Eux aussi avaient suspendu leur offrande de verdure et de fleurs aux modestes frises de l'oratoire champêtre ... touchante et craintive adoration ! Ces braves, devenus si doux après avoir été si terribles, n'osait pas prier Dieu pour le démon des batailles : c'était Marie qu'ils suppliaient, Marie la femme, Marie la mère, sans cesse demandant grâce et pitié pour tous. » La chapelle, classée monument historique en 1926, fut restaurée en 1864 par Napoléon III, puis de nouveau en 2015. Juste à côté de la chapelle, de l'autre côté du carrefour, se situe le début du sentier Denecourt n°2 ou sentier des Fontaines.

La Croix d'Augas, Fontainebleau
La chapelle Notre-Dame du Bon Secours à Fontainebleau.
 
 

Pélerinage à Notre-Dame du Bon Secours au milieu du XIXe siècle.
 
En 1735, 250 arpents (à peu près 125 hectares) sont repeuplés de chêne dans le secteur de la Croix d'Augas, puis en 1752, 50 autres arpents. L'arpent était l'unité principale de mesure de superficie agraire dans la plupart des régions de France sous l'ancien régime. L'arpent représente l'aire d'un carré de dix perches de côté, soit cent perches carrées. Au XVIIe siècle la perche dite « des eaux et forêts » vaut 22 pieds du Roi, soit 7,146 mètres, d'où un arpent dit « royal », un arpent représentant environ 51 ares, soit à peu près un demi-hectare. Ces plantations à la Croix d'Augas sont mentionnées par Henri Louis Duhamel du Monceau (1700-1782) botaniste et agronome, dans son ouvrage intitulé : Des semis et plantations des arbres et de leur culture, publié en 1760. Du Monceau est un des fondateurs de la sylviculture moderne.

Monument à Henri-Louis Duhamel du Monceau à Pithiviers, fondu par le gouvernement de Vichy en 1942.
Monument à Henri-Louis Duhamel du Monceau, Pithiviers.
Fondu par le gouvernement de Vichy en 1942.
 
Le 18 février 1814, les généraux Charpentier et Allix de Vaux, arrivant de Melun, chassent les cosaques et les Autrichiens qui occupent Fontainebleau, des combats ont lieu en forêt, notament autour de la Croix d'Augas. Tout près de la croix, dans une carrière de grès, se trouve un monument à la mémoire du peintre Paul Merwart, mort en Martinique à Saint-Vincent, lors de l'éruption de la Montagne Pelée, le 8 mai 1902. Le monument, élevé à l'initiative de son frère Émile Merwart, fut inauguré le 16 juin 1906. Le portrait en médaillon de bronze est l'œuvre d'Ernest Dubois. Des restes du peintre ont été déposés dans une urne et scellé dans le grès derrière le médaillon. Un autre médaillon en marbre lui est consacré, il a été posé le 24 août 1952 dans la cour de la bibliothèque de Fontainebleau. Paul Merwart aimait beaucoup Fontainebleau et sa forêt, il y possédait une maison située au 27 rue Pierre Charles Comte, dans le quartier des Provenceaux. Une rue de la ville porte son nom.
 
Monument en hommage à Paul Merwart, Fontainebleau
Le monument en hommage à Paul Merwart.
 
Monument Paul Merwart, Fontainebleau
La caverne d'Augas et le monument Paul Merwart.

Juste à côté du monument hommage à Paul Merwart, se trouve la Caverne d'Augas qui s'est effondrée dans la nuit du 3 au 4 mars 1986. Cette fameuse caverne avait été creusé par les carriers dans le sable, sous le banc de grès qui formait une voûte. En 1868, Claude-François Denecourt décrivait le site comme « la plus vaste grotte de la forêt qui pourrait abriter 200 personnes si elle était complètement déblayée ». Charles Colinet, le successeur de Denecout,  écrivait dans son guide en date de 1898 : « En 1880, nous avons pu faire exécuter une trouée de 45 m de long qui aboutit à la partie la plus vaste du souterrain ». Deux issues permettaient l'exploration. Marie Colinet, l'épouse de Charles, continua à approfondir la caverne d'Augas. Les clients de la taverne, installée juste au-dessus de la caverne, aimaient visiter les lieux à la lueur de bougies puis de lampes électriques. 
 
Caverne d'Augas, Fontainebleau
La caverne en 1905 et un guide des promenades  montrant sa carte professionnelle.
 
Après la Seconde Guerre mondiale, la caverne resta accessible mais plus difficilement. On pouvait y pénètrer en y rampant puis l'explorer à genoux. En 1972, les travaux du Carrefour de la Croix d'Augas impliquant la construction d'un pont au-dessus de la route nationale 6, imposèrent la condamnation de la caverne par un ensablage des deux accès. L'effondrement de la caverne en 1986 engendra de graves fissures dans les murs et le plancher de la taverne d'Augas, le bâtiment dut être détruit et reconstruit.

Caverne d'Augas, Fontainebleau

Caverne d'Augas, Fontainebleau
La caverne d'Augas au début du XXe siècle.
 
Le 8 mai 1913, le roi d'Espagne Alphonse XIII visite Fontainebleau pour assister à des exercices militaires. Le roi arrive par le train accompagné du président de la République Raymond Poincaré. Le roi et le président prennent place dans une berline à la Daumont attelée de six chevaux et conduite par des artilleurs. Le cortège, escorté par un escadron de dragons, se met en route et traverse la ville de Fontainebleau toute pavoisée aux couleurs espagnoles, jaunes et rouges. Le service d'ordre est sévère, de nombreux soldats font la haie pendant le parcours en ville où une foule acclame les visiteurs. 
 
Fontainebleau, visite du roi d'Espagne, 8 mai 1913
Le roi d'Espagne à Fontainebleau, cortège dans la rue Grande.

Le roi et son cortège prennent la direction de l'hippodrome de la Solle où se situe le champ de manœuvres militaire. On passe au Carrefour de la Croix d'Augas où sont positionnés en cercle des dragons à cheval, les crinières des chevaux et leurs queues portent en torsade les couleurs espagnoles. Le long du chemin à travers la forêt, des soldats en tenue de campagne sont positionnés tous les cinq mètres. Les autorités sont inquiètes, un peu moins d'un mois plus tôt, le 13 avril 1913, alors que le roi rentrait à cheval d'une revue militaire à Madrid, un anarchiste a tiré sur lui deux coups de revolver, sans l'atteindre. Le cortège va ensuite se diriger au polygone de tir où ont lieu des exercices d'artillerie. 
 
Le roi d'Espagne à Fontainebleau
Alphonse XIII et Raymond Poincaré passent en revue des troupes. 
Photographie de l'agence Rol.
 
On déjeune au château dans le salon de Saint-Louis, l'après-midi est consacré à diverses festivités dont une « fête hippique », le roi est un passionné de chevaux et de sport hippique. En fin d'après-midi, tout ce beau monde rentre à Paris par le train. À Paris, l'ambassade d'Espagne est sous haute protection, des anarchistes espagnoles ont prévu des manifestations et ont proféré des menaces, quelques bagarres ont éclaté avec les forces de l'ordre.
 
La Croix d'Augas, Fontainebleau
La Croix d'Augas au début du XXe siècle.
 
La Croix d'Augas est située sur le point culminant de la forêt, à 146 mètres au-dessus du niveau de la mer. En 1880, la commission chargée de la triangulation de la France décida de construire une tour en bois sur le plateau de la Croix d'Augas. Les travaux furent exécutés par le service géodésique de l'armée qui travaillait à tracer la méridienne du pays pour préparer les nouvelles cartes militaires de l'état-major. En 1886, cette tour de bois fut démolie et remplacée en 1900 par une grande tour en briques haute de 25 mètres. Au sol, fut scellée une borne géodésique. La hauteur de la structure permettait de faire passer à l'intérieur un fil à plomb, protégé du vent, afin de positionner au sommet un théodolite à l'aplomb de la borne géodésique. L'installation permettait des mesures précises avec d'autres points géodésiques comme les tours de La Chapelle-Gauthier et de La Grande-Paroisse. Un escalier extérieur fut posé en 1903 puis retiré en 1910, depuis lors cette tour géodésique ne fut plus utilisée. 
 
Tour géodésique en forêt de Fontainebleau.
La tour géodésique du plateau de la Croix d'Augas, restaurée en 2000.
 
En 1913, l'administration forestière construisit près de la tour de briques, un pylône de guet haut de 27 mètres qui servait à la lutte contre les incendies. Ce premier pylône fut remplacé en 1925, puis après la Seconde Guerre mondiale, il servit de relais radio. Ce dernier pylône fut remplacé en 1983 par une nouvelle tour haute de 45 mètres comprenant un local technique à son sommet et servant toujours de relais radio.
La Croix d'Augas, Fontainebleau
La Croix d'Augas en 2016, avant sa rénovation.

La Croix d'Augas fut brisée à la Révolution et rétablie en pierre en 1827. Abattue par une tempête en 1899, elle est remplacée par une nouvelle croix faite de bois en 1900. Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1930, un camion heurte son piédestal, tout s'écroule et la croix est brisée en plusieurs morceaux. On prévoit de la reconstruire en pierre de Château-Landon, mais le projet est abandonné et la croix est restaurée en bois. Les accidents de voiture furent nombreux à la Croix d'Augas, en 1913, la Revue commercial automobile surnomme le rond-point de la Croix d'Augas, le « cimetière des touristes ». La croix fut remise à neuf en décembre 2016. 
 
Coordonnées géographique de la Croix d'Augas : 48°25'30.2"N 2°42'32.6"E 
 
La Croix d'Augas, Fontainebleau

La Croix d'Augas, Fontainebleau
Le restaurant de la Croix d'Augas dans les années 1980.
 
La Croix d'Augas, Fontainebleau
 
La Croix d'Augas au début du XXe siècle.
 
La Croix d'Augas, Fontainebleau
Le Rendez-vous à la Croix d'Augas.

La Croix d'Augas, Fontainebleau
Accident dans la descente de la Croix d'Augas
La semaine illustrée, janvier 1912. 
 
La Croix d'Augas, Fontainebleau
Le Populaire, journal de la SFIO, 11 avril 1933.