La Croix du Grand Maître


Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
À l'intersection de la route Ronde D301 et de la route D148.
 
La Croix du Grand Maître fut érigée en 1723, par les soins d'Alexandre Claude Lefebvre de la Faluère. Cette première croix était en pierre de Lagny, sculptée en armoiries et surmontée d'un croisillon en fer, elle coûta la somme de 1550 livres. En 1809, la garde de la Croix du Grand Maître comprenait 17 cantons représentant une surface de 2337 hectares. Claude Lefebvre de la Faluère, seigneur de La Jonchère, est né en 1674 à Veigné en Indre-et-Loire et mort à Bourbonne en 1747 (aujourd'hui Bourbonne-les Bains dans la Haute-Marne). Il fut Maître d'hôtel ordinaire du roi Louis XV. Le roi le chargea de reboiser le bois de Vincennes, son nom est cité sur l'obélisque élevé en 1731 pour commémorer ce reboisement et une voie du bois porte son nom. 
 
Obélisque du bois de Vincennes
L'obélisque du bois de Vincennes.
 
M. de la Faluère fut grand-maître des Eaux et Forêts du département de Paris et de l'Isle de France, de 1703 à 1745, ainsi qu'enquêteur et général réformateur des Eaux et Forêts de France. Il comptait parmi ses prérogatives, la haute main sur tous les aménagements en forêt de Fontainebleau. Il ordonna que soit réalisée une carte détaillée de la forêt de Fontainebleau qui fut édité en 1727.
 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
La Croix du Grand Maître sur la carte de la forêt de 1727.

M. de la Faluère fit établir l'arpentage de la forêt de Fontainebleau en 1716 et fixa les limites des cantons. Il obligea les riverains de la forêt à se mettre en règle avec l’ordonnance sur le fait des Eaux et Forêts de 1669. Ce texte commandait aux habitants des villages limitrophes d’entretenir les fossés, murs et bornes mitoyennes. Charles-François de Montmorin, l’officier en charge de la maîtrise de Fontainebleau, ne fit guère appliquer les directives de la Faluère pourtant son supérieur hiérarchique. La Croix du Grand-Maître fut élevée en même temps que la Croix de Montmorin au carrefour du Puits-de-la-Lieue, ainsi dénommé car autrefois s’y trouvait un puits, voir notre article sur les puits de la forêt
 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
  La Croix du Grand Maître vers 1920.
 
Lors de sa visite de 1716 en forêt de Fontainebleau, M. de la Faluère donna une description de différentes gardes. À propos de « la chaisne de rochers du Mont aux bicques, du Mauvais passage et le Rocher aux putains », il écrivait : « Contenant toute la chaisne quatre vingt quatre parcelles plantée de bouleaux de tous les ages jusque quatre vingt et cent ans, le tout servant d'ornement et décoration aux Rochers. Pourquoi il ne parroist pas de lieu d'y faire aucune coupe ». De même, il juge qu'aucune coupe n'est nécessaire dans les Gorges de Franchard car les bouleaux servent d'ornement à la forêt. Le Rocher aux putains mentionné par M. de la Faluère correspond à l'actuel Rocher des Demoiselles.
 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
La Croix du Grand Maître, parcelle 501.

M. de la Faluère possédait à Fontainebleau un bel hôtel particulier, doté d'un grand jardin, ainsi que l'hôtellerie portant pour enseigne : Le Pied de Biche Couronné, situé rue Grande, dans le quartiers des Suisses (1). Sa fille, Marguerite-François, apporta l'hôtel particulier en dot lors de son mariage avec Alexandre d'Argouges, la demeure fut alors connue sous le nom d'hôtel d'Argouges. La famille d'Argouges possédait le château de Fleury-en-Bière

 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau

 
Les forêts repésentaient pour le roi de France une source importante de ses revenus, sous le règne de Saint Louis, elles représentaient le quart de son budget annuel.  Les forêts étaient le gisement d'un matériau indispensable aux armées, à la marine et aux constructions du royaume : le bois. L'intérêt primordial qu'accordait le roi à ses forêts, avec le souci de les préserver et de les gérer de la meilleure manière, nécessitait une administration spécialisée. Cette administration, qui avait connu un « préfet des forêts » sous Charlemagne, possédait une hiérarchie qui allaient des personnages les plus importants du royaume jusqu'à un très modeste personnel travaillant sur le terrain. 
 
Chêne de Saint Louis à Vincennes
Le chêne de Saint Louis à Vincennes, gravure du XIXe siècle.
 
Au XIIIe siècle, l’administration des eaux et forêts appartenait aux baillis et sénéchaux. En 1291, une ordonnance de Philipe le Bel est adressée « aux maistres de noz eaues et forestz ». C'est la première fois que l'existence d'un maître est mentionnée. En 1360, fut établi par le roi Jean II dit le Bon, la charge de « Souverain maître et général réformateur des eaux et forêt du royaume ». C'est le vicomte Jean de Melun qui obtint la charge de Souverain maître. Cette charge lui fut retirée à la suite d’un procès que lui intentèrent les communautés villageoises dépendantes du diocèse de Sens (qui incluaient celles bordant la forêt de Bière). 
 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
La Croix du Grand Maître.

Les paysans bénéficiaient depuis des temps immémoriaux de nombreux droits d'usage, c’est-à-dire l’autorisation du roi de laisser les animaux de ferme en pâture dans la forêt, c'est ce que l'on nommait le pasnage, le droit de ramasser les glands des chênes (la glandée) et les faînes des hêtres (la faugne), le droit de ramassage de bois de feu parmi le bois mort (l'affouage), etc. Mais l'archevêque Guillaume de Melun fit mettre en état d’arrestation de nombreux utilisateurs de ces droits, les mettant aux fers et demandant rançon à leurs familles. 
 
La glandée, enluminure de 1450. Tacuinum sanitatis, Ibn Butlân.

L'arrêt de la Cour de Justice royale décida en 1375 que les droits d'usage soient restitués, la justice temporelle de l'archevêché fut confisquée par le roi Charles V dit le Sage et Jean de Melun se vit retirer sa charge de Souverain maître des eaux et forêts. L'année suivante, en juillet 1376, Charles V promulgua l'Ordonnance dite de Melun, véritable règlement d’exploitation forestière en cinquante-deux articles. Les forêts royales sont confiées à six maîtres forestiers devant inspecter deux fois par an les forêts dont ils ont la charge, à l'échelon subalterne sont institués des gruyers et des verdiers, officiers publics ayant une juridiction.
 
Le livre de chasse de Gaston Phebus
Le livre de chasse de Gaston Phebus, composé entre 1387 et 1389.

Au début du XVe siècle, il y avait sept grands maîtres, puis leur nombre fut augmenté et ils furent appelés maîtres particuliers. Tous étaient sous l'autorité du Souverain maître. Lorsqu'en 1515 François Ier accéda au trône, on dénombrait une vingtaine de maîtrises particulières avec à leur tête le Souverain maître. Les maîtrises particulières étaient occupées par des nobles, parfois par des bourgeois. Tous étaient nommés par le roi, ou confirmés en cas de changement de règne. Chaque maître particulier avait plusieurs forêts sous sa responsabilité et sous ses ordres se trouvait les maîtres affectés à une seule forêt, qu'on appelait une « garde » d'où l'expression de garde forestier. À Fontainebleau, fut créée en 1534 par François Ier, la charge de grand-maître des eaux et forêts de l’Île-de-France. Le roi, en instituant cette charge, réunit sous la juridiction du grand-maître, tous ses domaines à quinze lieues autour de Paris (environ 60 km.), afin d’avoir à sa disposition le titulaire qu’il avait nommé. 
 
François Ier à la chasse
François Ier à la chasse en forêt de Bière. Enluminure de Godefroy le Batave dans les
Commentaires de la Guerre Gallique, par François Demoulins de Rochefort, 1519.

En 1575, Henri III abolit la charge de Seigneur maître et destitua Henri Clausse, seigneur de Fleury-en-Bière, détenteur du titre, pour établir à sa place six maîtres généraux. Sous le ministère de Colbert, l’ordonnance de 1669 divise le domaine forestier du roi en dix-huit grandes maîtrises. La Révolution supprima ces maîtrises par la loi du 4 septembre 1791. En 1801, le Ier consul Napoléon Bonaparte décrète la création de l’Administration Générale des Forêts qui deviendra, en 1966, l’Office National des Forêts.
 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
 La Croix du Grand Maître.
 
En 1723, M. de la Faluère fit construire une grande table taillée dans le grès qui fut installée dans un nouveau carrefour de la forêt. Cette table prit le nom de table du Grand Maître, elle est située près de la route D142, parcelle 224. La table est constituée d’un plateau de grès de 24 cm d’épaisseur et mesurant 230 cm sur 133 cm. Elle était autrefois placée au centre d’un carrefour disparu lors de l’élargissement de la route départementale.
 
Table du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
La table du Grand Maître au début du XXe siècle.
 
Croix du Grand Maître, forêt de Fontainebleau
Carrefour de la Croix du Grand Maître.

Notes :
(1) « Les anciennes enseignes de Fontainebleau », par Félix Herbet, 1898. L'hôtel particulier d'Argouges fut détruit au XIXe siècle. Le quartier des Suisses s'étendait entre la rue Grande et la caserne Damesme. Ce quartier doit son nom au corps de garde du roi constitué de soldat suisse. Les « Suisses », logés chez l'habitant, détenaient le privilège de vendre du vin au détail sans payer de droits. Ils servaient de prête-nom à de nombreux vendeurs de vin installés Place de l'Étape aux Vins.

Coordonnées géographiques de la Croix du Grand Maître : 48°22'35.0"N 2°44'22.8"E