André Billy, l'encyclopédiste de Barbizon.


André Billy en 1933.

André Billy (1882-1971) est un homme de lettres, amoureux de la forêt de Fontainebleau, président de l'Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau de 1945 à 1959.

André Billy est né le 13 décembre 1882 à Saint-Quentin en Picardie. Issu de la petite bourgeoisie, il étudie au séminaire de Notre-Dame de Liesse. Sa mère, qui espère voir son fils devenir un curé de campagne, l'inscrit à l'École apostolique d'Amiens. Résigné, le jeune Billy y passe plusieurs années austères, « J'étais un malheureux gosse à lunettes, incapable de participer aux jeux des autres, timide à l'excès, ayant pour tout plaisir le français, le latin et le grec dont on nous gavait trois heures par jour. Ma piété était machinale. Servir la messe relevait moins chez moi, de la vocation que du théâtre ». Les Jésuites ne veulent pas de lui et le congédie. Son baccalauréat en poche, il s'installe à Paris avec l'ambition d'entrer dans la « carrière des lettres ». En 1907, il publie son premier roman intitulé Bénoni qui est aussi son premier livre ayant pour thème la religion, la quête de Dieu et l'impossibilité de le trouver. Dès lors, André Billy va consacrer sa vie aux lettres et au journalisme littéraire.

André Billy, dans les années 20.

À Paris, il se lie d'amitié avec Francis Carco, André Salmon, Max Jacob, Paul Léautaud et surtout avec Guillaume Apollinaire. La mort du poète, le 9 novembre 1918, quelques jours avant l'armistice, plonge Billy dans une profonde tristesse, il écrit dans ses souvenirs : « Mort ! Il était mort ! Il avait été notre soleil. Par la porte de la victoire et de la paix, nous entrions dans la nuit. » Alors que Paris fête la victoire, Billy et son ami René Bizet, attablés à la terrasse de la brasserie Weber, regarde l'immense foule ivre de joie qui descend la rue Royale pour se rassembler Place de la Concorde. « Nous nous taisions, nous avions l'impression de faire un mauvais rêve. Il avait comme moi les larmes aux yeux. Nous zvions tous deux le sentiment qu'en partant Guillaume avait emporté avec lui tout ce qui fait le charme de la vie : la fantaisie, la poésie, l’insouciance, la jeunesse, l’aventure et la découverte ». (Le Pont des Saints-Pères, Fayard, 1947.)

André Billy, dessin de L. Madrassi.
Frontispice du livre « Route Cavalière de la solitude» 1928.

En 1912, son ami Paul Léautaud, avec qui il échangera une nombreuse correspondance, dresse son portait : « M. André Billy a tout de la jeunesse. Il aime la vie, il s'intéresse aux choses, il jouit d'elle, il a comme écrivain des idées et un style clairs, et aussi, il est ambitieux, plein de désirs. Je l'imagine souvent comme le Rastignac de Balzac sur la colline du Père La Chaise, adressant à Paris des paroles de conquérant ». Billy est fortement influencé par Flaubert, « L'Éducation sentimentale reste pour moi le plus grand roman, le plus beau, le plus profond, le plus complet. On risque de ne rien comprendre à tout ce que j'ai écrit si l'on ne sait pas l'influence que Flaubert a eue sur mes dix-sept ans. La philosophie désolée de L'Éducation qui enseigne le néant de tout amour, de toute amitié, de toute foi, de toute action, et que rine ne vaut la peine de rien puisque tout aboutit à un anéantissement définitif, m'a profondément marqué ».

André Billy

De 1917 à 1939, André Billy est critique littéraire au journal L'Œuvre, puis au Figaro Littéraire, où il rédige jusqu'à sa mort ses Chroniques du samedi. Pendant l'Occupation, il s'installe à Lyon et entreprend une série de biographies d'écrivains, en 1944 est publié sa Vie de Balzac et dans les années cinquante vont sortir ses biographies de Stendhal, Mérimée, Sainte-Beuve et les frêres Goncourt. En 1943, il est élu membre de l'Académie Goncourt mais son élection n'est validée qu'après la Libération en 1944, plusieurs académiciens, dont Sacha Guitry, ayant refusé de l’entériner. André Billy n'avait pas manquer de reprocher à certains membres de cette académie, leurs entente avec l'ennemi. En 1952, il obtient le Prix des Ambassadeurs pour son essai sur Sainte-Beuve. En 1954, il est lauréat du Grand Prix National des Lettres. Billy anime un Salon littéraire tous les mercredis au Café de Flore, à Saint-Germain-des-Prés. Des fenêtres du célèbre café, on aperçoit le bronze de Denis Diderot, dont Billy est un fervent admirateur, il lui consacra une biographie publiée en 1932.

André Billy dans son bureau en 1960.

C'est en 1907 qu'André Billy découvre Barbizon et tombe sous le charme de ce village au passé célèbre. En 1908, il loue pour l'été une villa dans ce village bordant la forêt de Fontainebleau, « dans l'embrasure d'une fenêtre, j'installai une table et de quoi écrire. Je voulais en finir le plus tôt possible avec mon second roman, La Dérive. » En 1931, il y fait construire une villa qu’il baptise La Chevrette (n°7 de la rue Jules Bourdois), en hommage au château de Louise d’Espinay, l'amie de Rousseau et de Diderot. Dans plusieurs de ses romans, il met en scène la forêt : Route cavalière de la solitude (1928), Nathalie ou les enfants de la terre (1938), Le six et le trois (1946). Il est aussi l’auteur d’une chronique sur son village d’adoption intitulé : Les beaux jours de Barbizon (1947) et d’un recueil de textes sur les poètes et les écrivains qui ont chanté Fontainebleau : Fontainebleau, délice des poëtes (1949).

André Billy dans son jardin à Barbizon.

Grand amoureux de la forêt de Fontainebleau, André Billy est nommé président de l'Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau de 1946 à 1959. Cette fonction l'amène à s'opposer au projet de tracé de l'autouroute du Sud qui prévoit de traverser le massif forestier, il propose que la future autoroute passe à l'ouest de la forêt. Le gouvernement va choisir un tracé médian et le grand ruban d'asphalte coupera le massif des Trois Pignons. Il s'oppose à l'administration des Eaux et Forêt qui coupe de nombreux vieux chênes pour en tirer du charbon de bois, dans le Figaro du 30 juin 1945 il écrit : « Je veux essayer d’être impartial, malgré l’indignation qui s’est emparée de moi l’autre jour, au carrefour du Gros-Fouteau, quand j’ai vu les 25 fours à carboniser installés dans une des plus belles futaies de la forêt, ou, pour mieux dire, sur son emplacement, car la futaie du Gros-Fouteau, chère à tous les artistes, n’existe plus, elle a été, comme disent ces messieurs, coupé à blanc, et pour être remplacée par une sorte d’usine à charbon de bois, ou plutôt de camp industriel dont l’épouvantable laideur évoque les horreurs de Büchenwald, de Dachau et d’autres lieux à tout jamais maudits dans l’histoire de l’humanitée … »

 Le jury du prix Goncourt au restaurant Drouant, le 15 octobre 1963.
De gauche à droite : Hervé Bazin, André Billy, Gerard Bauer, Roland Dorgelès,
Armand Salacrou, Philippe Heriat et Raymond Queneau

En 1965, André Billy fait don de ses manuscrits et de sa bibliothèque, plus de 28 000 ouvrages, à la ville de Fontainebleau. Il s'éteint dans cette ville le 11 avril 1971, il est inhumé dans le cimetière de Barbizon. Lors de l’inauguration du Carrefour André Billy, le 23 octobre 1971, l’écrivain Maurice Genevoix, prononce un discours, il cite son ami récemment disparu : « La civilisation morale que nous défendons et qui consiste avant tout dans la défense et la protection de l’homme, ne peut séparer celui-ci de la nature dont il n’est que le produit le plus achevé. Cette civilisation forme un tout. On ne sauvera pas l’homme si on ne sauve pas avec lui tout ce qui le rattache à la terre maternelle et qui la lui rend plus aimable et plus chère ».
 

André Billy chez lui à Barbizon vers la fin des années 60.

Inauguration du carrefour André Billy, le 23 octobre 1971. Discours prononcé par le Président de la Société des Amis de la Forêt de Fontainebleau, M. Henri Deroy, à gauche de l'image. À droite de l'arbre : Maurice Genevoix, derrière lui, Henri Flon, puis Armand Lanoux, un inconnu, le maire de Fontainebleau, Paul Seramy et bord cadre à droite, la Comtesse Magdelaine de Cossé-Brissac.

Bibliographie d'André Billy : ici.