Saint Louis contre les bandits.

Le 22 janvier 1264, Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, était à la chasse, traquant le cerf près de la route de Melun et du Mont Saint-Germain. Poursuivant un cerf, il perdit son équipage et se retrouva seul. Il fut alors attaqué par une bande de routiers, soldats pillards errant dans les campagnes du royaume. Le monarque dut donner de son cor, comme Roland à Roncevaux, mais il connut une fin plus heureuse. Une légende raconte que le cor de Saint Louis aurait appartenu à Saint Astolphe, archevêque de Mayence. Il avait été donné au roi, lors de sa première croisade, c’était un cor merveilleux dont les sons avaient la propriété d’attirer les amis et de mettre en fuite les ennemis. C’est grâce aux pouvoirs magiques de cet olifant que Saint Louis put échapper aux brigands qui en voulaient à sa bourse et à sa vie. Entendant le signal d’appel du roi, ses chevaliers le sauvèrent et ses détrousseurs prirent la fuite. 

 Saint Louis contre les bandits, détail d'une assiette de Sèvres 
du château de Fontainebleau.

La frayeur fut grande et pour rendre grâce à Dieu, le roi fit bâtir une chapelle sur les lieux de l’attaque. On la nomma Saint-Vincent du Mont-Ouy, car l’évènement eut lieu le jour où l’on fête le saint patron des vignerons et que du haut de ce mont, on l'entendit (ouy) appeler au secours. On construisit une chapelle sur le Mont-Ouy et cet ermitage fut dotés de deux muids de setiers de froment (environ 37 hectolitres) à prendre sur le domaine royal. Après la canonisation de roi en 1297, l'ermitage prit le nom de Saint Louis, puis l'endroit se nomma la butte Saint Louis. La chapelle devint un lieu de pèlerinage assez fréquenté, le père Dan affirme que de son temps, au milieu du XVIIe siècle, on y comptait plus de 4000 personnes le jour de la Saint Louis.

 Saint Louis par le Greco, 1590, Musée du Louvre.

Dans son Histoire générale des pays du Gastinois, Senonois et Hurpois, publiée en 1630, le Grand Prieur de l'Abbaye de Ferrières-en-Gâtinais, Dom Guillaume Morin écrit « l'an 1610, l'Hermite qui demeurait en cet ermitage qui est assise sur la pointe d'un haut rocher presque inaccessible, fut tué par des méchants voleurs, qui auraient ouy dire qu'il avait de l'argent, il s'appelait de Marigny. » La victime, le sieur de Marigny, ancien prévôt des maréchaux de Bourgogne, était venu là faire une retraite sprituelle. 

 Dom Morin, Histoire générale des pays du Gastinois, Senonois et Hurpois.

Sous Louis XIII, l'ermitage et ses revenus furent confiés aux trinitaires de Fontainebleau. La garde de la chapelle revint à de simples frères vivant des aumônes des fidèles, mais aussi de braconnage. L'un d’eux fut condamné en 1617 pour délits forestiers. En 1646, un ouvrier de Bois-le-Roi, François Ménard, fut condamné à être traîné sur une claie et pendu par les pieds pour avoir déféqué dans la chapelle de l'ermitage.

 Andrea del Sarto, le pendu, 1531.

En 1699, un dénommé Hérissé attaqua au pied de la butte Saint Louis, Nicolas Pauly, un commerçant qui revenait de Fontainebleau. Le voleur s’empara de la bourse du marchand qui contenait la somme de 18 écus. Trois passants vinrent à la rescousse de la victime et le voleur fut arrêté et pendu quelques jours plus tard. La même année, un frère ermite fut retrouvé assassiné dans la chapelle. Malgré une sérieuse enquête ordonnée par le roi, le coupable ne put être découvert. En 1701, Louis XIV, excédé, ordonna la destruction des bâtiments de la butte Saint-Louis et du hameau voisin des Hautes-Loges, ce qui fut fait sans retard. La fin de l'ermitage entraîna celle du pèlerinage et l'interruption de la fête de Saint Louis, qui ne fut reprise à Fontainebleau que sous le Second Empire.


L'ermitage Saint-Louis était constitué d'une chapelle munie d'un clocher, d'une sacristie et d'une maison pour l'ermite avec son jardin. L'ensemble était défendu par une enceinte. Les fouilles de 1869 et 1892 mirent à jour deux squelettes sous le dallage du chœur de la chapelle, des débris de vitraux et permirent de dresser le plan des bâtiments. Des restes de murs d'un édifice disparu furent datés du XIe siècle, ce qui permet de dire que Saint Louis a en partie reconstruit un bâtiment antérieur qu'il avait trouvé en ruine. Selon Louis Vincent, qui fouilla l'endroit vers 1900, ces anciens vestiges seraient ceux de la chapelle Saint-Michel. Elle aurait été édifiée en forêt de Bière par Robert II, dit le Pieux, comme l'écrit le moine Helgaud de Fleury, auteur d'une biographie sur le deuxième roi franc de la dynastie capétienne.

Les restes de la crypte située sous la chapelle disparue.

Un cairn ou montjoie construit sur la butte Saint Louis

Pour un poète du XVIe siècle, c’est au sommet de cette butte que le roi Saint Louis rendait visite à une nymphe de la forêt.

Levez un peu vos yeux
Vers ces arbres haussans leurs cymes jusqu’aux cieux.
Dans les plus boccageux de la forest ombreuse
Reside une Dryas tressaincte et tres heureuse
Qui recevoit les vœux, les roses et les lys
Que jadis luy offroit le bon Roy sainct Louys :
L’autel y reste encor au millieu du bocage,
Elle aime les deserts de son vieux hermitage …


Charles de Sainte-Marthe (1512-1555).

« La dryade » par Evelyn De Morgan, 1877.