L'escalier en fer à cheval.


Escalier de Fontainebleau


Après sa construction, la Galerie de François Ier n'avait pas d'autre accès, vers la grande « basse court » (future Cour du Cheval-Blanc), qu'un escalier extérieur en bois. Philibert de l'Orme ou Delorme conçut vers 1556 le projet de construire un grand escalier ou degré en « en fer à cheval », aboutissant à un vestibule donnant sur la Galerie (1). Delorme avait pour projet de transférer l'entrée principale du château de la Porte Dorée à ce qui deviendra plus tard la Cour du Cheval-Blanc. On ignore quand ce premier escalier fut achevé, peut-être avant la mort du roi Henri II le 10 juillet 1559. Le relevé de Jacques Ier Androuet de Cerceau, daté de 1579, montre ce premier escalier qui nécessita des réparations dès 1580. 
 
Escalier du château de Fontainebleau
Dessin de Jacques Ier Androuet de Cerceau, daté de 1579.
 
Philibert Delorme est né à Lyon vers 1514, dans une famille de maîtres maçons. De 1533 à 1536, il séjourne à Rome où il acquiert un savoir-faire technique et une bonne connaissance de l'architecture classique. Il côtoie le milieu érudit de la ville et se lit avec le cardinal Jean du Bellay alors ambassadeur de France auprès du Pape Jules III. De retour en France, son ami le cardinal lui confie la conception de son château de Saint-Maur-des-Fossés, aujourd’hui disparu. Delorme est introduit à la cour de François Ier puis à celle d'Henri II. Courtisan avisé, il parvient à se faire doter des revenus de plusieurs abbayes. 
 
Escalier du château de Fontainebleau, Philibert Delorme.
Philibert Delorme d'après un dessin de Claudius Jacquand.
 
Son frère Jean Delorme, alors contrôleur général des Bâtiments de France, l'impose sur de nombreux chantiers dont celui de palais de Fontainebleau où il collabore avec Le Primatice. Pour Henri II, il dresse les plans des châteaux d'Anet et de Meudon. Ses prétentions et sa vanité lui attirent de lourdes inimitiés, dont celles de Pierre de Ronsard ou Bernard Palissy. À la mort d'Henri II, il tombe en disgrâce, accusé de malversations. Il passe le reste de son existence à rédiger des traités théoriques et entame la rédaction d'une somme de l’architecture. Sur la fin de sa vie, il retrouve le chemin de la cour, la régente Catherine de Médicis lui confiant la tâche de tracer le palais des Tuileries. Il meurt à Paris le 8 janvier 1570.   
 
Escalier du château de Fontainebleau
L'escalier avant sa restauration.
 
L’escalier de Philibert Delorme, fortement détérioré, est détruit en 1632 sous le règne de Louis XIII. Un nouvel escalier est bâti, de 1632 à 1634, par Jean Androuet du Cerceau, architecte des bâtiments du roi. Ce nouvel escalier, qui coûta la somme formidable de 100.000 livres, est toujours celui que l'on peut admirer et qui a été entièrement restauré de 2019 à 2022 (2). Longtemps, cet escalier fut attribué à l'architecte Jacques Lemercier (1585-1654) qui travailla pour Louis XIII et Louis XIV. Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle, grâce à un acte notarié daté de mars 1632 et découvert par l'historien Félix Herbet, que la paternité de l'escalier de Fontainebleau est attribuée à Jean Androuet du Cerceau. Cet acte indique la fourniture de blocs de grès par le carrier Jean Leclerc à Jean Androuet pour la construction d'un escalier au château de Fontainebleau. 
 
Escalier du château de Fontainebleau
L'escalier en 2023, après sa restauration.
 
L'escalier de Jean du Cerceau a frappé les esprits des contemporains, il est devenu une référence architecturale, copié au château de Courance, de Bourron, dans la cour Visconti du Louvre ainsi qu'au palais princier de Monaco. À partir du règne de Louis XIV, l’escalier sert de décor pour accueillir les princesses venant se marier avec un fils de France. C’est sur cet escalier que furent accueillies la duchesse de Bourgogne en 1697, Marie Leszczynska en 1725 ou encore Hélène de Mecklembourg-Schwerin en 1837. C’est le 20 avril 1814 que l’escalier entre dans la légende en devenant le théâtre des adieux de Napoléon à sa garde. L'escalier de Fontainebleau est devenu un chef-d'œuvre architectural, reproduit dans d'innombrables gravures et photographies. 
 
Escalier du château de Fontainebleau
L'escalier en fer-à-cheval représenté sur une gravure de 1853.
 
Jean Androuet du Cerceau est le fils de Baptiste Androuet du Cerceau (c.1544-1590), architecte d'Henri III et d'Henri IV, constructeur du Pont neuf à Paris. Son grand-père est Jacques Ier Androuet du Cerceau (1510-1584), auteur de nombreux ouvrages sur l’architecture tels que Le livre de Grotesques (1566). Jacques Ier était aussi graveur et on lui doit la première représentation du château en 1579. On ne connaît pas la date de naissance de Jean Androuet, mais un document indique qu'il est mineur en 1602. Sa mère s'appelait Marie Radiguier. On ne connaît pas non plus la date de sa mort, il est encore vivant en 1649. Tous les du Cerceau sont de confession protestante.
 
Escalier du château de Fontainebleau
 
Escalier du château de Fontainebleau
La Cour du Cheval Blanc et l'escalier en fer-à-cheval, gravures d'Israël Silvestre, millieu du XVIIe siècle. La fontaine au premier plan a été démonté en 1830 (d'après Castellan).

Jean Androuet est l'architecte du célèbre hôtel de Sully à Paris (3) et participa à la reconstruction en pierre du Pont-au-Change de 1639 à 1647. Il contribua à la décoration de la cour intérieure de l'hôtel de Carnavalet, dessina les plans de plusieurs hôtels particuliers parisiens, comme l'hôtel de Bretonvilliers, de Mayenne (4) et d’autres demeures privées typiques du XVIIe siècle, toutes disparues. Il eut pour charge d'élever la nouvelle enceinte de Paris voulue par Louis XIII, depuis la Porte Saint-Honoré jusqu'à la porte Saint-Denis. Le 30 septembre 1617, il fut nommé architecte de Louis XIII. Jean Androuet habitait quai de la Mégisserie, à Paris, et possédait des carrières de pierre à Meudon. 
 
Hôtel de Sully, Paris
L'hôtel de Sully au milieu du XVIe siècle.
 
Notes : 
(1) « J'ay faict faire un perron qui est en la basse court, où vous voyez les voutes par-dessous les marches qui rampent comme la vis de Saint-Gilles. » Premier Tome de l'architecture, édité en 1567. La vis de Saint-Gilles est un escalier à vis datant du XIIe siècle situé dans l’ancienne abbaye de Saint-Gilles dans le Gard. Sa structure caractéristique en a fait le modèle de plusieurs escaliers de ce type appelés « vis de Saint-Gilles ». 
 
Escalier du château de Fontainebleau
L'escalier en fer-à-cheval avant sa restauration.
 
Escalier du château de Fontainebleau
L'escalier en fer-à-cheval après sa restauration de 2019 à 2022.
 
(2) Fait de grès et de calcaire, l'escalier est vulnérable aux variations climatiques. L’eau accélère son altération et favorise le développement de micro-organismes qui lui confèrent une teinte noire. L'Altération de la pierre, la prolifération de mousses, de lichens et d’algues ont grignoté peu à peu ses marches, laissant l’escalier dans un état alarmant qui nécessita la dernière restauration pour un coût d'environ deux millions d'euros. Charlotte Casiraghi, membre de la famille princière de Monaco, fut la marraine d'une campagne de mécénat pour la restauration de l'escalier.
 
Escalier du château de Fontainebleau
La Cour du Cheval Blanc et l'escalier en fer-à-cheval, gravure d'Israël Silvestre, 
millieu du XVIIe siècle.
 
(3) L'hôtel de Sully est bâti pour le compte du contrôleur des finances Mesme Gallet. La première campagne de construction, de 1625 à 1627, permet l'achèvement du corps de logis, du jardin et de l'orangerie. En 1634, Maximilien de Béthune, duc de Sully, conseiller d'Henri IV, alors en disgrâce, achète le bâtiment achevé et entièrement aménagé. Il fait réaliser le décor intérieur qui subsiste aujourd'hui. Situé au 62 rue Saint-Antoine, l'hôtel est le siège du Centre des monuments nationaux depuis 1967. 
 
Hôtel de Sully, Paris
La cour intérieure de l'hôtel de Sully en 1903 par Eugène Atget.
 
(4) L'hôtel de Bretonvilliers fut construit pour le compte de Claude le Ragois de Bretonvilliers (1582-1645), financier et secrétaire au Conseil du Roi Louis XIII. Bâti de 1637 à 1642 sur l'île Notre-Dame (actuelle île Saint-Louis). L'hôtel fut détruit en 1874 pour l'édification du pont de Sully et le percement du Boulevard Henri IV, il n'en subsiste qu'un pavillon. L'hôtel de Mayenne fut construit à partir de 1613 pour Henri de Lorraine, fils du duc de Mayenne et fut appelé hôtel de Mayenne. Acheté en 1759 par Marie-Françoise de Paule Le Fèvre d'Ormesson, il pris alors le nom d'hôtel d'Ormesson jusqu'en 1812. L'hôtel devient ensuite une pension puis en 1870 une maison d'éducation des écoles chrétiennes. Cette congrégation est propriétaire du lieu depuis 1971. Il est occupé jusqu'à aujourd'hui par le groupe scolaire des Francs Bourgeois-Lasalle qui accueille une école primaire, un collège et un lycée. Il ne reste quasiment rien de la construction de 1613. 
 
Pavillon de l'ancien hôtel de Bretonvilliers sur l'Île Saint-Louis
Pavillon de l'ancien hôtel de Bretonvilliers sur l'Île Saint-Louis, début XXe siècle.

Sources : 
Annales de la Société historique & archéologique du Gâtinais, janvier 1896. 
Biographie universelle des architectes célèbres par Alexandre du Bois et Charles Lucas. 1868.
Les du Cerceau, leur vie et leur oeuvre, d'après de nouvelles recherches par le baron Henry de Geymülle, 1887. 
 
Escalier du château de Fontainebleau

L'escalier en fer-à-chevalet la Cour du Cheval Blanc au début du XXe siècle.
 
Escalier du château de Fontainebleau

Escalier du château de Fontainebleau

Escalier du château de Fontainebleau

Escalier du château de Fontainebleau
Le caducée de Mercure est un symbole utilisé par le roi Louis XIII. 
Il signifie l’union du ciel et de la terre, l'union de Dieu avec le Roi.
 
Escalier du château de Fontainebleau
Sous Louis XIII, le dessus de cette porte reçoit une ornementation composée d'un buste du roi entouré de trophées. Ce buste fut remplacé au XIXe siècle par un buste de François Ier.
 
« La fable », statue en marbre de Séraphin Dénéchaux, 1861.
« La fable », statue en marbre de Séraphin Dénéchaux, 1861.
 
« La Tragédie », statue en marbre d'Émile-François Chatrousse, 1863.
« La Tragédie », statue en marbre d'Émile-François Chatrousse, 1863.

Escalier du château de Fontainebleau

Escalier du château de Fontainebleau
L'escalier en fer-à-cheval et la Cour des Adieux au début du XXe siècle.

Château de Fontainebleau

Le château et l'escalier aujourd'hui.